Friday, September 16, 2011

Journal Irakien

Jeudi : le passage de la frontiere se passe bien des 2 cotes. En 2 heures je suis en Irak. Des douilles rouillees de .50 a mon premier campement rappelle que depuis 30 ans les Kurdes n'ont pas eu trop le temps de se reposer entre la guerre Iran-Irak, les repressions de Saddam, la premiere guerre du Golfe, une petite guerre civile en dessert et en pousse-cafe les Turcs et les Iraniens qui bombardent regulierement les bases arrieres du PKK. Pour une analyse politique a 2 balles, ne comptez pas sur moi. Allez plutot acheter le dernier SAS chez votre libraire, Gerard de Villiers fait ca beaucoup mieux que moi.
Ma carte reprend les noms arabes en phonetique, mais les 3/4 des villes et villages ont un autre nom en kurde. Ca rend la navigation un peu folklorique, et chaque fois que je m'arrete pour demander le chemin, j'en ai pour 20 minutes a boire le the.

Vendredi : Je descend au lac de Dukan pour un point de confluence. L'armee me deconseille une route dans une zone ou les Turcs bombardent regulierement. Ca m'etonne parce que ce n'est pas frontalier avec la Turquie. Mais j'obeis, ils sont mieux informes que moi. Le detour de 150km vaut la peine pour les paysages, mais par contre c'est le vendredi du weekend de l'Eid et j'ai l'impression que tout le pays est sur les routes. C'est comme monter a Avoriaz pour la semaine des vacances de carnaval.

Samedi : je tourne dans le coin pour essayer de trouver le meilleur acces au point de confluence. Pas facile dans ce dedale de fjords et de cols de montagne. Mais au risque de me repeter, les paysages sont magnifiques. Je traverse un vieux quartier de Dukan avec des villas en pierre du pays et des rues ombragees le long du lac. Pour un instant je me croirais dans un ancien quartier residentiel de Beyruth, les trous de balles en moins (pas les Libanais, ils ne le sont pas tous, je parle des impacts). Le soir, je retourne a mon campement de la veille sur le lac. J'ai a peine termine la premiere biere de ma baignade du soir qu'une patrouille de l'armee arrive. Ils ont peur que je me fasse attaquer par des animaux sauvages, je dois bouger, impossible de les faire changer d'avis. Ils m'emmenent dans un "tres bel endroit aussi", une graviere a 30km de la, a 100m de leur check-point sur une route a camion bruyante. Je suis furieux.

Dimanche : Je m'en vais sans un regard pour mes amis du check-point. J'avais repere l'entree d'une piste prometteuse pour l'acces au point de confluence. Elle me mene a 800m du point dans un village non-occupe l'ete. Il me reste une petite promenade d'une heure le long de la falaise qui surplombe les fjords. Il n'y a pas un bruit, on entend les oiseaux voler et au risque de me repeter, les paysages sont superbes. Ensuite, je pars sur Erbil, la capitale pour regler des problemes de carburation et d'alimentation.

Lundi : J'arrive a Erbil, repere la zone des garages et me dirige vers le centre pour trouver un hotel. Comme j'ai pas le temps de tourner, je fais confiance au Lonely Planet. (Tres) mauvaise idee, comme d'habitude ai-je envie de dire. J'ai deja eu des chambres aussi pourries, mais jamais aussi chere. Des etrons flottent dans le trou des WC. J'ai vu une fois des sanitaires pire que ca, c'est quand des soldats birmans m'avaient bien gentiment invite a me changer dans les latrinnes de leur baraquement a l'aerodrome de Tachilek.
Retour a la zone des garages. Si vous pensiez comme moi que la zone industrielle de Sharjah etait le summum du bordel, j'ai trouve mieux. Ici ils jouent 2 divisions au dessus. Il y a assez de ferraille sur tous les toits pour construire une deuxieme tour Eiffel.
Je choisis un des stands au petit bonheur la chance. Comme toujours je suis l'attraction du coin, tout le monde veut m'aider mais personne ne parle anglais. Par chance, un coiffeur amstellodamois en visite chez sa vieille maman fait reparer sa Golf GTI dans le stand a cote. Je savais qu'un jour mes restes de neerlandais scolaire me serviraient, mais je n'aurais jamais imagine que ce serait pour expliquer les problemes de ma voiture a un garagiste kurde en Iraq. C'est auusi surealiste que quand j'ai du traduire en espagnol les voeux de mariage d'un pote sud-africain dont j'etais le temoin dans une petite eglise des hauteurs de Tegucigualpa, capitale bien connue du Honduras.
On change la pompe du reservoir arriere, et le le demain ils m'emmeneront chez un specialiste pour nettoyer les carbus. Je pensais que le probleme etait du a la poussiere qui etait rentree dans le reservoir quand j'ai perdu le bouchon, mais apparement ce serait plutot du a la qualite de merde de l'essence au Kurdistan.
Le soir j'ai rendez-vous avec Joe, un voyageur canadien qui s'est pose quelques temps a Erbil, au T-bar, un Sport Bar & Lounge dans le quartier chretien. Atmosphere de rendez-vous d'expats, ca pourrait etre le Pat's bar a Lagos ou le Nakheel a Ras al Khemah. On boit des grandes bieres et on gagne la Trivia Night (so british...). Apres 1 mois de ruralite, Erbil pour moi c'est Manhattan.

Mardi :
La premiere visite de la journee est pour le barbier en face de l'hotel. J'ai decide de me debarasser de ces 2 mois de barbe qui commencent a me servir de garde-manger et qui me font sursauter chaque fois que je me vois dans mon retroviseur.
Ensuite retour aux garages ou on m'envoie chez le specialiste Land Rover. Demontage des carbus et nettoyage a meme le sol. A midi, on mange des brochettes assis sur des cartons entre 2 moteurs huileux et 2 carcasses de Range Rovers qui vomissent leurs tripes par leurs capots ouverts.
Je dois ecouter en acquiesant les envolees lyriques du patron qui n'aime ni les Arabes, ni les Chiites, ni les Turcs, ni les Iraniens. Je n'ose pas l'interrompre pour lui dire que ca ne m'interesse pas, il a l'avenir de mon voyage entre ses mains. Vous ne voulez pas vexer votre chirurgien 2 jours avant qu'il vous opere du coeur ? Et bien moi c'est pareil.
En fin de journee je vais faire quelques photos dans les maisons abandonnees de la citadelle d'Erbil. C'est l'endroit habite de maniere continue depuis les plus longtemps au monde (8000 ans). Elle a ete evacuee il y a quelques annees pour la restaurer.
Le soir, je vais loger chez Adel, le seul patron de garage qui parle anglais (il a travaille 6 ans pour les Americains a Mosul), qui m'a bien gentillement invite. Comme tout le monde dans la region, il est etonne que je ne sois pas encore marie a 33 ans. Il me dit que je dois trouver une femme comme la sienne qui fait a manger quand il lui dit :"femme, prepare a manger" et qui apporte le the a la porte du salon quand il lui dit :"femme, apporte-nous du the" (elle a quand meme pu entrer dans le salon pour debarasser). Je lui reponds que je suis bien d'accord, mais qu'en modele europeen ca devient tres tres rare. On n'en fabrique quasiment plus.

A suivre...


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